L’ouvrage se compose de cinq chapitres qui observent une progression chronologique, allant du questionnement analytique sur la nature et les modalités de l’entretien à la phase tout aussi importante (bien que souvent négligée) de l’après-entretien. Entre ces deux pôles, Peggy Raffy-Hideux s’attache à décrypter et à expliciter l’incontournable travail d’anticipation et de préparation qui sert de prélude à l’entretien et qui permet, s’il est mené avec application, de donner le meilleur de soi-même le moment venu.
Dès l’introduction (p. 7-8), l’auteure se place du côté des candidats débutants, partant de leurs propres interrogations, voire de leurs doutes quant à la pertinence des règles de l’exercice : « Pourquoi le recruteur ne me prendrait-il pas comme je suis ? », « Pourquoi devrais-je jouer un rôle ? » (p. 7). Peggy Raffy-Hideux souligne à ce propos que même s’il n’est pas question de renier sa personnalité lors d’un entretien, il convient tout de même de « viser un équilibre entre l’authenticité de la personne et l’image construite du candidat » (p. 7) en adoptant la posture adéquate. Le monde est un théâtre dans lequel nous jouons tour à tour plusieurs rôles selon les contextes et les interlocuteurs auxquels nous avons affaire, par conséquent nous ne sommes chaque fois ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre. En entretien, l’idée est de proposer un éthos de circonstance, c’est-à-dire de faire le nécessaire en termes de posture, de discours et de comportement pour rassurer le recruteur sur ses capacités à embrasser la fonction et le statut proposés. Peggy Raffy-Hideux insiste également sur le fait que le « processus de sélection » pour un stage présente d’étroites similitudes avec celle d’un emploi et que ce grand oral ne s’apparente en aucun cas à un exercice d’improvisation. Conçu comme une boîte à outils prenant appui sur une mise en lumière des enjeux liés à l’exercice, le livre de Peggy Raffy-Hideux propose donc « d’appréhender sereinement et en conscience cette étape fondamentale » que constitue dans une carrière le premier entretien de recrutement (p. 8).
Les cinq chapitres s’appuient sur une structure identique : ils débutent par un questionnaire sur ce que le lecteur sait déjà (ou pense connaître), puis l’auteure prend la main et, à partir de tests complémentaires, d’exemples et/ou d’anecdotes, apporte des éléments de réponse d’ordre théorique. Une rubrique « À vous de jouer », visant à mettre en pratique les apports précédents à partir d’exercices de mise en situation, ponctue régulièrement les différents chapitres.
Le premier chapitre s’intitule « Ce que vous devez savoir sur l’entretien de recrutement : les invariables et les dernière tendances » (p. 9-38). Il débute par un questionnaire visant à recueillir les a priori du lecteur sur l’entretien avant d’embrayer sur des explications quant à la nature, aux objectifs et aux différentes formes d’entretien. Le point de vue du recruteur est présenté en premier : ce choix permet de prendre conscience des exigences et des précautions que les entreprises s’imposent pour « ne pas mettre en péril le bon fonctionnement de [leur] structure » (p. 13). L’auteur rappelle à ce propos que loin de constituer une épreuve pour le seul candidat, l’entretien de recrutement représente aussi une étape décisive pour le recruteur, qui prend un risque considérable en sélectionnant un ou une inconnue. C’est pourquoi celui-ci ne ménage pas ses efforts pour parvenir à engager « LA bonne personne ».
Même si du côté du candidat, la finalité d’un entretien est d’ « obtenir ou non un poste », la réalité est bien plus complexe qu’il y paraît : certes l’entretien est une rencontre qui s’apparente à un défi ou un pari, pour autant il ne s’agit nullement d’un interrogatoire ou d’une conversation. L’objectif est de « confronter [une] personnalité au climat de l’équipe ou de l’entreprise » (p. 12) afin d’apprécier une éventuelle adéquation entre le candidat, le poste en question et l’environnement de travail. Une fois ce point éclairci, Peggy Raffy-Hideux s’attache à expliquer dans le détail les multiples facettes de l’entretien dont le caractère protéiforme peut parfois déstabiliser les candidats. L’article défini à valeur générique fréquemment utilisé pour parler de « l’entretien de recrutement » masque en effet une diversité de situations accrue par les potentialités toujours plus créatives des nouvelles technologies. L’auteure rappelle à juste titre qu’aujourd’hui, l’entretien en présentiel ne prend pas nécessairement la forme d’un face à face classique, il peut s’agir d’un job-dating, d’un entretien collectif ou avec un jury. La rencontre peut aussi se dérouler par téléphone, par visio-conférence, avec un chatbot ou même en différé. L’auteure précise également qu’il existe plusieurs types d’interlocuteurs : les recruteurs extérieurs à l’entreprise (chasseurs de tête, cabinets de recrutement, agences d’intérim ou d’emploi), les recruteurs internes (comme le DRH, le DG ou le DAF), dans lesquels figurent parfois des recruteurs occasionnels (managers, chefs de service) et bien sûr les recruteurs qui sont des membres de jury ou des directeurs d’études, s’il est question d’un recrutement pour une formation. L’auteure fait également la synthèse des trois principales méthodes employées pour conduire un entretien (directif, semi-directif, non directif). Le candidat en herbe dispose ainsi d’éléments tangibles pour trouver sa place dans l’échange selon la posture que le recruteur choisit d’adopter (p. 29).
Peggy Raffy-Hideux se focalise ensuite sur les différentes phases de l’entretien, insistant sur le fait que ce dernier débute dès l’accueil du candidat par le recruteur. Il se poursuit avec l’investigation du profil du candidat, la présentation du poste et la clôture de l’échange. Peggy Raffy-Hideux n’oublie pas d’évoquer – exemples à l’appui – les éventuels exercices préparatoires qui attendent le candidat dans le cas d’un concours, ainsi que les tests d’intelligence ou d’aptitude, mais aussi ceux de mise en situation réelle ou virtuelle (serious games) et enfin les tests de personnalité auxquels il sera probablement soumis. En effet, l’intérêt croissant pour les compétences comportementales (ou soft skills) – qui sont censées révéler la vraie personnalité du candidat – a peu à peu modifié et dans des proportions désormais non négligeables, le visage du recrutement (p. 32-37).
Dans le deuxième chapitre qui s’intitule « Préparez votre entretien » (p. 39-94) l’auteure invite tout d’abord le candidat à faire le point sur ses connaissances concernant l’entretien et à dresser son bilan personnel. Au moyen de sondages et de références relatives aux ressources humaines, Peggy Raffy-Hideux met l’accent sur les « compétences comportementales » qui peuvent tantôt motiver le refus d’une candidature tantôt « compenser un manque d’expérience » (p. 41). Car « si les compétences techniques restent le critère numéro un, on observe toutefois que les qualités humaines prennent de plus en plus d’importance », à diplôme égal, les soft skills font la différence entre deux candidatures et peuvent même influer sur la rémunération. Peggy Raffy-Hideux rappelle en outre que l’évolution actuelle du marché du travail et du management ne fait pas seulement des soft skills un critère de sélection mais aussi un atout en matière d’adaptabilité. En effet, un bon professionnel ne doit pas se contenter d’être un expert dans son domaine de compétence technique, il doit aussi savoir faire preuve de souplesse intellectuelle et émotionnelle, de motivation, d’autonomie, de créativité et de sociabilité afin d’interagir de manière intelligente avec ses collègues et son environnement de travail. Pour y parvenir, la clé réside dans la connaissance de soi, qui ne peut s’accomplir que par le biais de questionnements introspectifs, croisés avec des analyses émergeant d’un regard extérieur. L’auteure insiste sur ce point : « un candidat qui se connaît bien est un candidat rassurant pour le recruteur » (p. 43). Se connaître soi-même démontre une maturité qui suscite l’intérêt et inspire confiance. Les pages suivantes sont donc consacrées à des tests de connaissance de soi et à l’évaluation, la hiérarchisation des motivations et des valeurs du candidat. Il est aussi question de personnalité : quelles sont vos qualités ? quels vos défauts ? Peggy Raffy-Hideux insiste sur ce point, souvent occulté : « si on embauche principalement pour des compétences, on licencie sur des problèmes de comportement » (p. 52). Chaque entretien vise à recruter avant tout un collaborateur, un collègue, c’est-à-dire une personne dotée d’aptitudes psychologiques et pas seulement d’un bagage exclusivement technique. Chaque test proposé au cours du chapitre (compétences psychologiques, professionnelles, intellectuelles, émotionnelles, communicationnelles) débouche sur une tentative d’interprétation et s’achève par une invitation à rédiger une courte synthèse en vue de nourrir un futur entretien.
Mais si se connaître suppose de faire preuve de clairvoyance et d’honnêteté vis-à-vis de soi-même, il ne s’agit pas pour autant de tout déballer. Peggy Raffy-Hideux prévient : « l’entretien de recrutement n’est pas un rendez-vous chez un psychologue mais, avant tout, un exercice marketing » (p. 71). On le sait, toute vérité n’est pas bonne à dire, c’est pourquoi « il faut trouver le juste équilibre entre l’expression de votre personnalité et un certain conformisme », lequel ne doit pas non plus faire l’objet d’un investissement trop poussé et par conséquent contreproductif : combien de jeunes candidats sont en effet tentés de se déclarer « perfectionnistes » ou « trop gentils » pour ne pas effrayer les recruteurs, alors que d’autres défauts subtilement choisis peuvent tout à fait se révéler compatibles avec l’exercice de certaines missions ? Valoriser son profil, c’est aussi savoir se présenter en deux minutes (« 60% de l’entretien se joue lors de cette présentation initiale », p. 73), un exercice qui exige une préparation méticuleuse et à propos de laquelle l’auteure donne quelques clés, notamment la réalisation d’une carte mentale, afin d’éviter au recruteur une fastidieuse et ennuyeuse relecture orale de son CV de la part du candidat. La présentation de soi doit en effet se situer dans l’action (mettre en avant des expériences, des réalisations significatives, développer un fil conducteur afin de de donner de la cohérence à son discours) et « être entièrement tournée vers la formation ou le poste visé » (p. 77).
Enfin, à partir de quizz, Peggy Raffy-Hideux invite le lecteur à faire le point sur son identité numérique, afin de déterminer, sur la base des traces numériques laissées ici ou là, quelle image virtuelle la toile renvoie de lui. L’auteure rappelle que « sept recruteurs sur dix googlisent un candidat avant de le recevoir en entretien » (p. 78). Elle promulgue des conseils de bon sens concernant la sécurité des données sur les réseaux sociaux (combien d’utilisateurs omettent de verrouiller leur compte et manquent de vigilance quant aux pages et aux publications partagées et/ou likées…) et revient sur quelques règles de base du référencement naturel, telles que mettre à jour son CV sur les plateformes dédiées et les réseaux sociaux professionnels tout en pensant au linking et au blogging, afin de webvaloriser son profil (p. 77-84). Le chapitre se conclut sur la nécessité de se préparer avec sérieux et de s’entraîner suffisamment en amont de l’entretien. Peggy Raffy-Hideux revient sur ce qui est en jeu lors de l’entretien – il s’agit avant toute chose d’un échange constructif – et indique explicitement au candidat quelles informations il doit avoir recherchées (et où), quelles questions il doit avoir anticipées avant de se présenter devant son ou ses interlocuteur.s, mais aussi ce qu’il doit apporter le jour J (CV, bloc-notes, portfolio, agenda).
Le troisième chapitre « Réussissez votre entretien » (p. 95-152) se penche sur la manière d’aborder la rencontre avec le.s recruteur.s : comment faire une bonne première impression, prêter attention à son allure personnelle et soigner sa tenue vestimentaire de façon à accorder celle-ci avec le dress code du secteur concerné. L’auteure rappelle en outre quelques règles élémentaires de savoir-vivre et livre des conseils sur la façon d’interagir avec son ou ses interlocuteurs le jour J, notamment en adoptant un discours positif, dynamique mais aussi en faisant preuve d’humilité. Elle insiste aussi sur l’importance de parler avec précision, c’est-à-dire en choisissant minutieusement son vocabulaire et en soignant sa syntaxe (p. 96-126). La capacité à argumenter fait également partie des aptitudes qui plaident en faveur d’un candidat bien préparé : l’auteure y consacre plusieurs pages (p. 126-136). Exercices à l’appui, Peggy Raffy-Hideux démontre de manière extrêmement pédagogique – parfois à partir d’extraits de discours d’étudiants et/ou de propositions plus ou moins appropriées – à quel point une argumentation défaillante peut nuire à l’image d’un candidat et compromettre sa candidature. Le chapitre s’achève sur la façon de conclure l’entretien – notamment en donnant des idées de questions à poser afin de manifester une dernière fois son intérêt et sa curiosité pour le poste et/ou la structure d’accueil – et d’aborder, le cas échéant, une négociation salariale (p. 137-152).
Le quatrième chapitre « Sachez répondre aux questions des recruteurs » (pp. 153-169) se focalise sur la manière de traiter les questions posées lors de l’entretien. À travers une typologie des questions généralement posées par les recruteurs (questions portant sur le poste, la formation, la connaissance de soi, les relations aux autres…), l’auteure invite le lecteur à reconsidérer ces questions en s’interrogeant sur que l’on tente réellement d’évaluer ou de tester à partir de chacune d’elles, y compris les questions pièges ou délicates.
Le cinquième et dernier chapitre « Pensez à l’après-entretien » (p. 170-180) se concentre sur une phase très souvent négligée par les candidats, mais qui appartient pourtant à l’exercice. Peggy Raffy-Hideux attire l’attention du lecteur sur la nécessité d’envoyer un courriel de remerciement à l’issue de l’entretien et aussi, lorsque le cas se présente, de relancer le recruteur. Des exemples de messages rédigés sont d’ailleurs proposés pour ceux qui ne sauraient pas comment s’y prendre (p. 170-175) : que faire en cas de refus ? Comment préparer son intégration dans la structure d’accueil si la réponse est positive ? Pourquoi et comment dresser le bilan après chaque entretien pour être plus performant une prochaine fois ? Un ultime paragraphe traite enfin du contrat de travail et des clauses, qu’il s’agisse d’un emploi d’un contrat de travail ou d’un stage (p. 177-179).
Les annexes (p. 181-192) comportent des exercices relatifs à l’identité numérique, l’allure personnelle, le discours à tenir, l’argumentation. L’auteure propose également quelques « phrases clé à retenir » pour permettre au candidat de trouver aisément ses mots dans certaines situations, comme l’entretien téléphonique, le premier contact, ou encore pour faire face à une remarque déplacée ou même à un silence pesant.
Les pages 193 à 244 rassemblent les corrigés des exercices qui ont été proposés tout au long de l’ouvrage. L’auteure y fait des propositions et dispense des conseils qui font écho à ceux qu’elle donne déjà dans le corps des différents chapitres.
Dans la conclusion (p. 245-246), Peggy Raffy-Hideux rappelle son objectif initial : « au-delà des recettes toutes faites », permettre au lecteur, « à partir d’une étude raisonnée de l’entretien de recrutement », de trouver ses propres réponses, de déduire par lui-même « ce qui correspond à la meilleure façon de communiquer avec leur recruteur » au regard de son profil, de sa situation personnelle et du contexte dans lequel il évolue (p. 245). L’auteure revient aussi sur ce qui est parfois fois source d’incompréhension chez les candidats à savoir que rien n’est figé dans le marbre. Chaque situation de recrutement est absolument unique et exige de ce fait une grande flexibilité cérébrale et comportementale : « s’il existe des codes sociaux à connaitre et à respecter pour entrer en contact avec le recruteur […] rien n’est tout noir où tout blanc. En fonction d’un poste ou de la composition d’une équipe, ce qui apparaîtra comme un défaut chez le candidat pour un recruteur pourra passer pour la meilleure des qualités aux yeux d’un autre ». Il est donc tout à fait possible, et même recommandé, de rester fidèle à soi-même, naturel (p. 245). Ce n’est pas se trahir, en effet, que d’adapter sa posture, son discours et son attitude en fonction de la situation spécifique que constitue l’entretien de recrutement. Peggy Raffy-Hideux conclut avec optimisme sur le fait que quelle qu’en soit l’issue un entretien de recrutement « est toujours enrichissant », c’est pourquoi il doit être vécu comme « un moment valorisant », « une rencontre gratifiante grâce à la qualité des échanges qui lui président » et que la clé de la réussite réside avant toute chose dans la connaissance de soi et la capacité à se faire confiance (p. 246).
La bibliographie (p. 247-251) emprunte à la fois aux ressources humaines, au management, à la communication, à la psychologie et au web. Les références sont classées par catégories thématiques (l’entretien de recrutement en général, côté candidat, côté recruteur, les dernières tendances). Cette bibliographie s’achève par une sitographie dont certains titres, déjà bien connus de la plupart des candidat∙es comme l’Apec, Studyrama, ou L’Étudiant, font désormais figure de ressources incontournables.
Pour conclure, cet ouvrage bien documenté, appuyé sur des références solides et nourri d’anecdotes savamment choisies, mérite de trouver sa place dans la bibliothèque de tout étudiant, la réflexion engagée ayant vocation à être poursuivie à l’occasion de chaque opportunité universitaire ou professionnelle. Parce que sa composition ne repose pas exclusivement sur l’ingrédient miracle qu’est le conseil, le livre de Peggy Raffy-Hideux ne risque pas de provoquer, chez le jeune candidat, la crainte (ou le complexe) de ne pas être à la hauteur ou de ne pas y arriver. Encore une fois le propos est une démonstration par l’exemple de ce qui se joue lors d’un entretien de recrutement, et partant de la nécessité de se conformer à des codes nouveaux, parfois déstabilisants. Tout au long du livre, tests et questionnaires maintiennent un dialogue constant avec le lecteur afin de placer celui-ci au cœur du sujet, au centre de l’action, faisant en quelque sorte de lui le héros de sa propre aventure professionnelle. Ainsi, parce qu’elle part de la propre expérience du candidat plutôt que des codes et des lois générales sur l’entretien de recrutement, Peggy Raffy-Hideux réussit à faire de la préparation à cette épreuve non pas une montagne à gravir, tel un parcours du combattant, mais un circuit challenge dans lequel le candidat peut, s’il le souhaite, s’impliquer, voire se dépasser. Une démarche qui va dans le sens des nouvelles approches pédagogiques mises à l'honneur ces derniers temps et qui trouvent leur incarnation dans les réformes du BTS et du BUT.